L’artiste algérien s’inspire de poésie et introduit l’aquarelle dans ses carnets de recherche qui sont autant de pépites.
À première vue, la période inédite que nous venons de traverser n’a guère eu d’impact sur l’univers étrangement onirique du dessinateur Massinissa Selmani. « L’avantage du dessin, précise-t-il, est qu’il faut peu de choses pour pouvoir travailler. » Aussi, passé un premier temps de sidération, il a poursuivi son travail en atelier et continué de donner corps à ces « situations souvent vaines » qui caractérisent son œuvre. « J’aime bien la notion d’échec », confie-t-il, avant d’ajouter avoir une prédilection pour « les situations impossibles et absurdes ». Préférant parler de « formes dessinées » pour caractériser son travail, il s’est ainsi attaché à continuer de « donner corps à l’insondable », tout en s’essayant parfois à l’animation.
Mais le réel, même dans son retrait, finit par rattraper celui qui pense lui échapper. Le texte fait tout d’abord une apparition remarquée dans ses carnets de recherche et ne se contente pas d’intriguer à travers des choix de titres volontairement déboussolants – l’une de ses séries s’intitule A-t-on besoin des ombres pour se souvenir ? La poésie de Jean Sénac, poète algérien assassiné en 1973, l’a accompagné pendant cette période de confinement et semble vouloir s’immiscer dans ses propres dessins. Comme si lorsque le monde était à l’arrêt, seule vibrait peut-être encore la langue ?
Plus étonnant, la technique de l’aquarelle, à laquelle il n’avait plus eu recours depuis l’adolescence, s’est invitée comme par accident dans son travail. « C’est comme si l’on m’avait dit un matin, souligne-t-il avec humour, lève-toi et mets-toi à l’aquarelle ! » Timidement, la couleur surgit comme par effraction dans un univers dominé jusqu’à présent par l’utilisation du graphite.
Alors que le blanc et le vide dominaient ses dessins, le paysage a commencé à faire une apparition remarquée lors de sa dernière exposition Le calme de l’idée fixe au CCC OD de Tours. Il envahit sans crier gare aujourd’hui ses carnets. Préférant parler « d’espaces dépeuplés de toute présence humaine », l’artiste insiste sur la dimension graphique de cette recherche ou « comment représenter un espace avec peu d’éléments ». Si le dessin constitue « un prolongement de la pensée » et « une construction mentale », force est de constater que dans la tête Massinissa Selmani les expérimentations se bousculent. Le conduiront-elles à terme à s’aventurer dans l’univers de la peinture ? À suivre.
Olivier Rachet