Exposition personnelle d’Ismaïl Bahri à la galerie Selma Feriani: Chroniques de l’invisible

© Copyright, 2021, Meysem Marrouki, LaPresse.tn

Ses œuvres se révèlent de manière quasi photographique, via des parois sensibles (vitres, fente dans le mur), en interaction avec les lieux, se reflètent, se projettent et se décuplent sur différentes surfaces. Le spectateur agit sur l’écriture de l’œuvre et en fonction de la distance qu’il tient avec elle, l’appréhende différemment.

Le vent pour tracer, la lumière pour sculpter, l’eau en action,  le papier en évolution comme dans sa pièce «Source»» (2016), où l’on assiste à la consommation progressive d’une feuille de papier blanc, le feu prend départ au centre faisant apparaître de fragiles franges de cendres, Ismaïl Bahri use de ces instruments vivants pour convoquer la question du temps, de la mesure, de l’espace, inscrire des devenirs, capter des passages, des phénomènes prémédités ou involontaires à travers des gestes et autres opérations à l’affect empirique.

Se plaçant en observateur, il collecte des instants, des états/moments à venir. L’artiste accumule et collecte des gestes, capte des moments, tâtonne, expérimente, observe les métamorphoses et les actions de matières vivantes (liquides, lumière, feu, vent, terre…), leur interaction avec différents matériaux et autres surfaces et parois, ramène des extérieurs dans des intérieurs, exalte les moments de la matière…en utilisant le plus souvent, comme médium, la vidéo, mais aussi la photographie, le son, le dessin et l’installation.

Ismaïl Bahri est un artiste contemporain tunisien qui vit et travaille à Paris depuis 2000. Son travail est représenté en France par la Galerie Les filles du calvaire (Paris) et par Selma Feriani Gallery (Sidi Bou Saïd et Londres). Il a exposé dans divers lieux, entre autres, au Centre Georges Pompidou (Paris), La Verrière (Bruxelles), Le Forum – Fondation Hermès (Tokyo), Nijo-Jô (Kyoto), Beirut Art Center (Beyrouth), la Staatliche Kunsthalle (Karlsruhe). Ses vidéos ont été sélectionnées dans des festivals tels que Tiff (Toronto), Nyff (New York), Iffr (Rotterdam), FID (Marseille).

Il était récemment à Tunis pour présenter ses nouveaux travaux réunis dans une exposition personnelle visible depuis le 21 février jusqu’au 4 avril 2021 chez Selma Feriani.

Il y est question de composer avec la lumière, de révéler l’invisible ou plutôt ce qui ne s’offre pas facilement au regard et d’assister à des apparitions/disparitions. Un travail qui emprunte à la photographie en révélant, par exemple, un dessin ténu, des lignes frêles, minimalistes et fragiles qui donnent l’impression qu’elles sont en train de disparaître ou d’apparaître. Une lumière braquée assiste à leurs derniers instants de vie ou au contraire leur donne naissance sous les différentes dimensions de papier-calque qui les abrite et auquel l’artiste impose différentes formes (plié à certains endroits, découpé irrégulièrement…), une manière de le dynamiser, de lui conférer cet aspect organique et vivant, celui d’une matrice qui viendrait recevoir la vie (ou pas). D’ailleurs, cet aspect vivant, vasculaire s’applique à l’exposition dans sa globalité, une exposition qu’on pénètre et qui nous pénètre en retour, assistant, in situ, à des (re)naissances comme dans une capsule de gestation dans laquelle la lumière dans ses différents états raconte la vie (et la mort aussi…).

Ses œuvres se transforment et se construisent au gré du passage du temps dans une sorte d’écriture impressionniste. Elles se révèlent de manière quasi photographique, via des parois sensibles (vitres, fente dans le mur), en interaction avec les lieux, se reflètent, se projettent et se décuplent sur différentes surfaces. Le spectateur agit sur l’écriture de l’œuvre et en fonction de la distance qu’il tient avec elle, l’appréhende différemment.

On découvre deux vidéos : la projection de  graines de sables frétillants sur le mur et sur les parois de verre, ou encore le vent en action faisant s’envoler légèrement des bribes de matières récoltées par la paume de l’artiste qui s’ouvre et se ferme mécaniquement (cache et dévoile) à la manière d’un objectif photographique…le propos est ontologique, tout est répétition et reprises…Derrière les vitres, se révèlent à nous, aussi, différentes dimensions de rouleaux de scotch déposés sur le sol et portant chacun l’empreinte affective d’une terre que l’artiste a foulée…

À vivre !

20 March 2021
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