Au travers de l’invitation qui a été formulée à Eva Nielsen, la Maison Salvan souhaitait aller au-delà de la seule monstration de ses peintures. La structure l’a ainsi conduite à penser, plus globalement, la possibilité d’une mise en perspective de son travail. Ni exposition personnelle, ni exposition collective, « Evergreen plaza » situe ses œuvres picturales au cœur d’une proposition qui ouvre des dialogues avec d’autres artistes, identifiés conjointement par elle et l’équipe du centre d’art.
L’art figuratif d’Eva par son épure imposante génère une sorte d’attraction hypnotique sur l’observateur qui fasciné fixe l’objet volontairement déshumanisé, baignant dans une ambiance postapocalyptique. La puissance de l’artificiel occulte le coin de nature que l’on devine en second plan, tel un morceau d’horizon ou un coin de ciel tourmenté. Comme les instruments d’un orchestre, les œuvres des six artistes (Clarissa Baumann, Stéphanie Cherpin, Luigi Ghirri, Manoela Medeiros, Piet Moget, Rachel Whiteread) se parlent et se complètent autour d’Eva Nielsen. C’est ainsi que le peintre Piet Moget, artiste célèbre de Port-La Nouvelle, qui a peint pendant des années la même toile, afin de conserver l’empreinte d’une atmosphère, celle du quai et de la mer de son village d’adoption bien-aimé. Les approches croisées des deux artistes parlent de l’infini et du temps, interpellant la sensibilité de chacun. Cette exposition par son ambiance fantastique est saisissante !
Pour concevoir le projet, la nature de l’espace d’exposition a été fantasmée et sa fiction prolongée. Depuis 200 ans, une ferme est devenue une maison d’habitation avant de devenir un centre d’art, des résidents succèdent à d’autres résidents. Pour la durée de cette nouvelle exposition, le lieu connait un état inédit, plus « lointain » encore. Ailleurs, hors du temps, hors des géographies, il est propulsé dans l’imaginaire même de l’œuvre d’Eva Nielsen, dans sa dimension dystopique. Le choix du titre de l’exposition « Evergreen plaza » renvoie à la volonté d’identifier un lieu neutre, générique, peut-être déchu. Cet intitulé convoque l’imaginaire de quartiers nouveaux mais très vite fanés, résidentiels, promus au travers d’une communication brillante et creuse. Ce lieu « à jamais vert » est un toponyme emprunté à l’une des photographies de Luigi Ghirri présentée dans l’exposition. Il existe bel et bien : un obscur centre commercial d’une banlieue de l’Illinois. Ainsi, dans ce contexte, plusieurs œuvres dialoguent autour des notions de paysage, de cartographie, de ruine, d’archéologie, d’absence de l’homme mais de sa trace, de nature lointaine et impénétrable, de limite.
La situation de la Maison Salvan est inattendue : une ferme de village, prédestinée à la fonction domestique, est devenue un centre d’art. Eva Nielsen propose de poursuivre l’étrangeté du récit de ce lieu. Il devient ainsi, le temps d’une exposition, un espace autre, un isolat dans le temps et dans l’espace plaçant le paysage au cœur de la proposition — un paysage où l’homme est absent conviant d’avantage les notions de limite ou d’impossible, que d’ouverture et de lointain…
Exhibition Dates | 14.02.19 to 06.04.19
Maison Salvan | Labège, France